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Histoire du théâtre parisien

Une histoire qui se déroule sur plus deux mille ans, depuis les arènes de Lutèce jusqu’aux théâtres d’avant-garde du 21ème siècle.

Salle de la Comédie Française, Place du Palais-Royal à Paris
Salle de la Comédie Française

Lorsque Paris était Lutèce

Les romains conquièrent la ville de Parisi en 53 av.J.C et la rebaptisent Lutèce. Les lieux de spectacles font partie des instruments de romanisation et ils sont nombreux. Le plus important est connu sous le nom d’arènes de Lutèce. Composé de gradins autour d’une scène en demi-cercle, il accueillait représentations théâtrales, mimes et jeux du cirque. Abandonné au 4ème siècle, il sert de carrière de pierre au Moyen-Âge. Il est mis à jour par les archéologues à la fin du 19ème siècle. Les arènes constituent le vestige antique le mieux conservé de la capitale, avec les thermes de Cluny.

Les arènes de Lutèce, Paris 5ème
Les arènes de Lutèce

Aux premiers temps du Christianisme

Le Christianisme naissant condamne les spectacles du monde romain, associé au paganisme. Le théâtre est proscrit dans la capitale. Pendant des siècles, seuls les jongleurs, magiciens, montreurs d’ours et acrobates, qui n’ont pas recours à la parole, sont tolérés. Ils se produisent sur les tréteaux, dans les foires et sur les places de la ville.

Peinture représentant des acteurs jouant une farce sur des tréteaux devant un public nombreux, au Moyen-Âge.
Spectacle de tréteaux au Moyen-Âge

Mystères et farces du Moyen-Âge

Le théâtre revient dans Paris à partir du 13ème siècle, sous la forme de « mystères », des passages de la bible mis en scène sur les parvis des églises. Le clergé y voit un moyen efficace de propager la religion auprès d’une population en majorité illettrée. Le thème le plus populaire est le martyre du Christ. Les confrères de la Passion, corporations de bourgeois, sont les seuls autorisés à jouer les mystères. Ils obtiennent rapidement le privilège de se produire dans un lieu permanent et fermé, l’Hôtel de Bourgogne.

Illustration d'une représentation théâtrale du Moyen-Âge, sur une place de Paris
Mystère de la Nativité

Le premier théâtre parisien

Situé dans l’actuel quartier des Halles, à l’emplacement de la rue Etienne Marcel, l’hôtel de Bourgogne demeure longtemps la seule salle de spectacle officielle de Paris. Les confrères de la Passion s’y installent en 1550 et jouent les mystères. Après 1650, le lieu accueille d’autres troupes, et le religieux cède la place à la tragédie classique et à la farce. La deuxième salle parisienne à ouvrir est le théâtre du Marais.

Lavis représentant la salle du théâtre de l'Hôtel de Bourgogne au 16ème siècle
Salle du théâtre de l’Hôtel de Bourgogne

Arlequin, Pierrot, Scaramouche…

Invités à Paris par Catherine de Médicis, au 16ème siècle, les troupes italiennes suscitent l’enthousiasme du peuple. Selon la tradition de la Commedia dell’arte, les comédiens improvisent à partir d’un canevas. La pantomime l’emporte sur le texte, et pallie l’incompréhension par le public de la langue. Les personnages traditionnels sont identifiables par leur costume et leur masque. La société de leur temps est moquée avec humour. Louis 14 les expulsent pour s’être moqué de Mme de Maintenon dans « La fausse prude ». Ils reviennent quelques années plus tard.

Peinture d'une représentation de la Commedia dell'arte au 17ème siècle
Scène de la Commedia dell’arte

Les génies du 17ème siècle

Les talents fleurissent, la Tragédie est incarnée par Corneille et Racine, la Comédie par Molière. Mais les lieux manquent toujours à Paris. Certaines troupes tirent parti des espaces publiques et des foires, et montent des tréteaux de fortune, le temps d’une représentation. D’autres trouvent asile dans les salles de Jeux de Paume, dont la forme rectugulaire se prête aux représentations.

Peinture représentant de gauche à droite La Fontaine, Molière, Boileau et Racine discutant autour d'une table dressée.
La Fontaine, Molière, Boileau et Racine.

L’échec de Molière

Molière tente en 1644 une première incursion dans Paris et se produit dans un jeu de Paume à l’emplacement de l’actuelle rue Mazarine. Fustigé par le clergé, couvert de dettes, il doit quitter la capitale et sillonne les routes pendant douze années. De retour en 1658, il obtient une protection de Louis 14. Sa troupe s’installe au Palais-Royal, dont la salle peut accueillir 1500 personnes. Ses comédiens se partagent entre leur public parisien et celui de la Cour à Versailles.

Illustration de Molière prenant des notes sur une route, suivi de son attelage dans lequel se trouve sa troupe
Molière et sa troupe sur les routes de France

Le triomphe de la Comédie Française

En 1680, deux compagnies s’affrontent à Paris, celle de l’Hôtel de Bourgogne et celle de Molière qui lui survit après sa mort. Louis 14 les fusionne dans une volonté d’unification sous le nom de Comédie Française et leur assure un monopole. Pour abolir toute concurrence, les autres troupes sont privées de l’usage de la parole. la nouvelle compagnie s’installe au n°14 de l’actuelle rue de l’Ancienne Comédie. Une autre salle leur sera construite après la Révolution.

Illustration d'une représentation du Malade Imaginaire à l'époque de Molière.
Scène du Malade Imaginaire au 17ème

Des salles privées dans les palais dès le 17ème siècle

Les amateurs de théâtres fortunés font construire des salles au sein de leurs demeures. Ils accueillent des troupes et montent eux-mêmes sur les planches. Louis 14 donne l’exemple au Château de Versailles. Le Cardinal Richelieu aménage en 1639 son théâtre, futur Palais-Royal, à l’emplacement de l’actuelle rue de Valois.

Gravure du théâtre du Cardinal Richelieu au Palais-Royal
Salle privée du Cardinal Richelieu

Le chahut est dans la salle

Dans les premiers théâtres parisiens, la scène est encombrée de sièges réservés aux privilégiés, une pratique très inconfortable pour les comédiens. Les spectateurs en profitent pour lutiner les actrices durant le spectacle. Les moins fortunés sont debout au Parterre. Le théâtre est un lieu de défoulement, le chahut est général. Certains auteurs paient des étudiants pour faire la claque et déclencher les applaudissements aux moments opportuns.

Peinture d'une salle de théâtre du 19ème siècle, avec un public chahuteur.
Le chahut est dans la salle

Le théâtre s’affiche au 18ème siècle

La Comédie Française obtient du roi la construction d’un grand théâtre. Edifié en 1782, l’Odéon est le premier théâtre à être mis en valeur. Monumental, il s’élève sur une place où convergent cinq rues. les spectateurs sont tous assis. Incendié plusieurs fois, il connait une histoire mouvementée. Il est aujourd’hui un haut lieu du répertoire d’avant-garde européen.

Façade du Théâtre de l'Odéon Paris 6
Façade du théâtre de l’Odéon

La Révolution et le Premier Empire

Les révolutionnaires ont utilisé le théâtre comme un outil politique. Chaque citoyen a théoriquement le droit de s’exprimer sur une scène. Une multitude de petites salles voient le jour dans Paris. La plupart ne survivront pas longtemps. Quelques années plus tard, l’Empereur craint de voir son image malmenée et fixe par décret le nombre de théâtres dans Paris à huit. Il impose un répertoire Classique qui exalte l’héroïsme et sert sa politique.

Caricature de la censure avec un homme dont la tête est prise entre les lames de ciseaux géants
Caricature dénonçant la censure napoléonienne

Les boulevards du théâtre au 19ème siècle

Les remparts de Paris ont été abolis par Louis 14. A leur emplacement sont tracés les Grands Boulevards, sur la Rive Droite. Aménagés en promenade arborée, ils sont le lieu favori des parisiens dès le 18ème siècle. Les acteurs, assurés d’un public, y installent leurs tréteaux. Situés à la frontière de la capitale, la zone échappe à la censure. Au 19ème siècle, les troupes acquièrent des terrains sur lesquelles elles construisent leurs théâtres. De somptueux bâtiments succèdent aux installations de fortune.

Peinture des Grands Boulevards à Paris au 19ème siècle.
Les Grands Boulevards

Le succès du théâtre de Boulevard

Le boulevard du Temple est surnommé Boulevard du Crime car dans ses théâtres sont joués de sanglants mélodrames. Le répertoire des théâtres des boulevards évolue au fil du 19ème siècle vers la comédie. L’intrigue repose sur les quiproquos et les adultères . La société contemporaine est moquée avec humour. La bourgeoisie parisienne s’y presse. Les salles se multiplient, rivalisent de luxe et de confort. La plupart sont toujours en activité. Le terme Théâtre de Boulevard fait désormais partie du langage courant pour désigner un répertoire « léger ».

Affiche de théâtre du 19ème siècle pour une pièce de "Boulevard", Le Crime.
Affiche pour Le Crime, une pièce de Boulevard

Les nouvelles salles du 20ème siècle

Le nombre de théâtres parisiens n’a cessé d’augmenter ces dernières années. L’offre est diversifiée. le répertoire est classique ou contemporain, la mise en scène académique ou avant-gardiste…
Les petits théâtres se multiplient, en réaction aux grands salles luxueuses. L’expérience est différente, plus intimiste, la séparation entre le public et les acteurs disparait. les lieux sont parfois insolites, excentrés.

Entrée du Théâtre de Poche Boulevard du Montparnasse à Paris
Entrée du Théâtre de Poche à Montparnasse

L’histoire de la Nouvelle Athènes, Paris 9ème

La Nouvelle Athènes désigne un quartier du nord de Paris, au pied de la Butte Montmartre, dans l’actuel 9ème arrondissement, dont l’histoire remonte au Moyen-Age.

Vue aérienne de l'église Notre Dame de Lorette
Eglise Notre Dame de Lorette

Un fief pour le Seigneur Porcheron

Au 14ème siècle, l’emplacement de l’actuelle Nouvelle Athènes est une zone champêtre hors des murs de Paris. Elle est protégée par le château fort d’André Porcheron, qui s’élève au rang de seigneur et donne son nom au lieu. Progressivement abandonnés, l’édifice et ses dépendances sont réduits à l’état de ruines au 17ème siècle.

gravure du quartier de la Nouvelle Athènes au Moyen-Age avec son château et ses moulins.
vue du château des Porcherons et de ses alentours

Des folies pour les aristocrates

Au 18ème siècle, Paris intramuros peine à contenir une population qui ne cesse d’augmenter. Le peuple parisien en quête de loisirs s’évade vers des zones périphériques restées champêtres. Des guingettes et des cabarets sont construits sur l’ancien domaine des Porcherons.

Le moulin de la Galette d'Auguste Renoir.
Le moulin de la Galette d’Auguste Renoir

Les aristocrates et les grands bourgeois sont également séduit par le site. Ils font ériger des « folies », résidences de plaisance entourées de vastes parcs.
A la Révolution, ces demeures sont confisquées. Ouvertes à tous elles deviennent des lieux de fêtes improvisées. Les somptueux jardins qui les entouraient sont transformés en parcs d’attraction.

Aquarelle d'une folie proche de Paris au 18ème siècle.
Folie proche de Paris

Des lotissements pour les spéculateurs

L’explosion de la population parisienne au début du 19ème siècle provoque une pénurie de logements dans la capitale. L’ancien quartier des Porcherons, intégré dans la capitale, attire l’attention des promoteurs. Encouragés par le retour d’une certaine stabilité politique, ils rachètent les terrains sur lesquels s’élevaient les folies tombées en ruine et les guinguettes et construisent des immeubles et des petits hôtels particuliers.

Hotel particulier et son jardin rue de la Tour des Dames
Hôtel particulier rue de la Tour des Dames

Le quartier des romantiques

Le plus important des lotissements par sa superficie est appelé Nouvelle Athènes, afin de séduire une clientèle éprise dAntiquité. Le succès est immédiat. Les artistes romantiques, musiciens, écrivains et peintres, y emménagent, imités par les bourgeois séduits par l’atmosphère bohème. Les courtisanes et les lorettes en font leur terrain de chasse privilégié.

Musée de la Vie Romantique et son jardin.
Musée de la vie Romantique

Déclin et Renaissance

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les nouveaux quartiers de l’Ouest parisien, plus aérés, sont préférés à ceux du centre. La Nouvelle Athènes se dépeuple et les bâtiments se dégradent.
Une véritable renaissance a eu lieu ces dernières années. Des boutiques, cafés et restaurants se sont installés. Les façades ont été restaurées. Les parisiens en quête d’authenticité ont investi les lieux.

Jardin d'hiver de l'hôtel Amour rue de Navarin Paris 9ème
Jardin d’hiver de l’hôtel Amour

La place Saint-Georges, Paris 9ème

La place Saint-Georges, circulaire, est bordé de superbes façades séparées de la chaussée par des grilles de fonte délimitant des jardinets. Une fontaine en marque le centre, et d’élégants lampadaires en rythment le pourtour. Elle prend pour modèle une autre place parisienne créée au 17ème siècle, la Place des Victoire.

Vue de l'Hôtel Thiers et du monument à Gavarni, Place Saint-Georges, Paris 9
Monument à Gavarni et Hotel Thiers

Un coup immobilier

Vers 1830, alors que la capitale doit faire face à une explosion démographique, un architecte dénommé Constantin achète un vaste terrain vague sur lequel il aménage une place qu’il relie aux axes de circulation existants en perçant des rues. Il vend les parcelles ainsi délimitées en imposant aux acquéreurs des normes de qualité de construction strictes, donnant ainsi naissance à l’un des lotissements les plus élégants de la capitale, au cœur de la Nouvelle Athènes. Le nom de Saint-Georges lui a été inspiré par l’enseigne d’une taverne qui s’élevait à cet emplacement, représentant la lutte entre le saint et le dragon.

La Place en 1900

Le quartier suscite un engouement immédiat et se peuple d’artistes et d’intellectuels bourgeois.

L’Hôtel d’Adolphe Thiers

Au n°27 s’élève l’hôtel particulier d’Adolphe Thiers. Originaire de Marseille, avocat, il monte à Paris et connaît une rapide ascension sociale. Surnommé le Napoléon aux petits pieds, il inspire Balzac pour le personnage de Rastignac dans Le Père Goriot.  Il est au cœur de la tourmente sous la Commune, et obligé de se réfugier à Versailles avec sa famille. L’hôtel est pillé et incendié par les communards. Devenu Président de la République, il le fait reconstruire à grand frais, sur le modèle du Château de Versailles.

Caricature d'Alolphe Thiers en Napoléon Bonaparte
Le Napoléon aux petits pieds, caricature de Thiers

L’hôtel de la Païva

L’hôtel du n°28 se distingue par son exubérance et l’abondance de son décor.

Il est habité en 1850 par celle qui deviendra l’une des plus célèbres courtisanes de l’histoire. Fille d’un modeste tailleur juif polonais, elle conquiert le Tout-Paris grâce à  sa beauté et à sa détermination. Elle épouse le Marquis de Païva pour le nom, et se remarie avec un Compte prussien pour la fortune. Une telle ascension sociale attise les mauvais esprits qui déclarent « Qui y paie y va », faisant un jeu de mots sur son nom.

La Païva, célèbre courtisane.

Un cadran solaire dissimulé

Seules quelques façades datant de la création de la place ont été conservées. Les autres furent remplacées à la fin du 19ème par des immeubles de plus grand gabarit, comme les n°30 et n°32. Les traces d’un cadran solaire accompagné de la devis « Aspiciendo seresci » (en me regardant tu vieillis) sont visibles entre les deux doubles fenêtres du n°30, au 2èmeétage.

Souvenirs d’une brocante

Dans la partie inférieure du  n°32, un édifice en verre coiffé d’une toiture métallique est construit à la fin du 19ème siècle pour héberger la boutique d’un marchand de tapis, puis d’un brocanteur. Il contribua jusqu’en 2018 au charme de la Place, avant d’être transformé à des fins commerciales.

Ancienne brocante transformée en agence immobilière, Place Saint-Georges, Paris 9
Souvenir de l’ancienne brocante.

La colonne de Gavarni

Erigé en 1903 pour remplacer un abreuvoir pour les chevaux, le monument  situé au centre de la place est un hommage à Gavarni, caricaturiste célèbre pour son trait si prompt à dénoncer les injustices et les hypocrisies de son temps. Il est représenté au sommet d’une colonne, muni d’un crayon et d’un carnet. Un défilé de figures de Carnaval anime la colonne.  La base est une fontaine ornée de quatre figures en bronze de la bouche desquelles sort un filet d’eau, représentant un mendiant, une « mégère », une  lorette  et un artiste bohême.

Portrait en bronze d’artiste bohème

Entrée du métro

A peine visible car intégré aux grilles de la place, un accès au métro est signalé par une plaque rouge portant en lettre blanche le nom « Métropolitain ».  Dérivé du latin Métropolis « la ville-mère », l’appellation annonce le caractère exclusivement urbain du chemin de fer électrique.  La ligne 1 est inaugurée en 1900, dans l’urgence de l’Exposition Universelle. Souterrain, sa construction nécessite d’éventrer des rues, faisant de Paris un vaste chantier pendant plusieurs années.

Entrée de la station de métro Saint-Georges

Histoire du métro parisien

Des parisiens en mal de transport

A la fin du 19ème siècle, Paris doit faire face à une circulation de plus en plus intense dans un contexte de forte croissance économique. Tandis que Londres a un métro dès 1863, New York en 1868 et Chicago en 1892, Paris  n’a toujours pas de système de transport public adapté, les omnibus à chevaux et les tramways étant très insuffisant.

Paris avant le métro, les omnibus.

Dans l’urgence de l’Exposition Universelle

Le retard de Paris est dû un conflit entre la Compagnie des Chemins de Fer que soutient l’État et qui souhaite réaliser un réseau desservant la banlieue (selon le principe du RER actuel) et la Ville de Paris qui veut mettre en place son propre réseau « intramuros ». L’imminence de l’Exposition universelle de 1900 et ses millions de visiteurs précipite l’adoption de la deuxième solution, et après des hésitations, le choix se porte sur un système souterrain plutôt qu’aérien.

Entrée de la station de métro Saint-Georges

Paris éventré

Le chantier démarre en 1898 ; les 2000 ouvriers mobilisés travaillent à ciel ouvert ;  les tunnels sont creusés peu profondément afin de réduire les couts et suivent le tracé des rues. La première ligne, reliant la Porte de Vincennes à la Porte Maillot (actuelle ligne 1) et desservant les sites de l’Exposition Universelle, est achevée en vingt mois dans l’urgence et inaugurée en 1900. Cinq autres lignes seront créées dans les années suivantes, au cours desquelles les rues éventrées font de Paris un vaste chantier.

Chantier du premier métro

Crainte du voyage sans retour

Le métro fait peur, il est qualifié d’enfer souterrain. Les parisiens craignent de s’engouffrer dans ses souterrains ; ils imaginent les risques d’effondrement, mais aussi de pneumonies causées par les suintements d’eau dans les tunnels, et d’électrocution lié au mode de traction, sans oublier les odeurs épouvantables. Ils ont encore en mémoire certains drames ferroviaires.

Drame gare Montparnasse, 1895.

Du végétal pour rassurer

Hector Guimard est l’auteur des premières stations de métro. En maitre de l’Art Nouveau, il bannit toute forme architecturale du passé et s’inspire exclusivement de la Nature. Dans les premières stations, baptisées « libellules » la fonte prend des formes de tiges et de feuilles, et la verrière évoque une aile de libellule géante. Un parti pris stylistique destiné à rassurer les parisiens qu’une entrée trop solennelle ou austère aurait pu décourager. Guimard a réalisé des variantes, en remplaçant l’auvent par deux tiges de muguet géantes (exemple, station Monceau) encadrant une plaque de lave émaillée sur laquelle est inscrit le nom de la station. Uniques au monde, ces stations sont devenues un emblème de la capitale.

Entrée de métro place des Abbesses, Paris 9ème
Entrée de métro dite libellule par Guimard

La plus grande catastrophe du métro

Le 1er aout 1903, un an après l’ouverture de la ligne 2 (Dauphine-Nation) le métro connait un premier drame, avec un incendie à la station Couronnes, près de Belleville. En fin d’après-midi, au moment de la plus grande affluence, les voyageurs amassés sur les quais sont pris au piège dans un nuage de fumée. Paniqués, ils se ruent vers un cul-de-sac. Le spectacle est affreux lorsque les pompiers, après de longues minutes de lutte, parviennent enfin jusqu’à eux. Quatre-vingt-quatre personnes sont mortes, et la température dans la station était montée à 80 degrés. Une enquête est menée et les plaques « sortie » sont dès lors éclairées.

Premier accident dans le métro.

Histoire des statues de Paris

Statues parisiennes à statuts variables

Paris est jalonné de statues et monuments aux grands hommes de son passé. La plupart ont été érigées au 19ème siècle, avec une frénésie parfois surnommée Statuomanie. De qualités variables, elles sont généralement en bronze ou en pierre. Lorsqu’elles sont en pied (le personnage est représenté de la tête aux pieds), la pose traduit le domaine dans lequel le modèle s’est distingué ; un peintre avec sa palette, et parfois ses muses ; un homme politique debout, digne ; un inventeur avec le fruit de ses recherches ; une femme de patron faisant la charité etc… Plus réducteur, le buste, placé au sommet d’un pilier, est une solution économique. L’emplacement est essentiel, un carrefour ou une grande place offrira plus de visibilité qu’un coin de jardin. Trouver un lieu en rapport avec le modèle est idéal, mais pas toujours réalisable.

statue en pierre de Maupassant et d'une femme assise tenant un livre, dans le Parc Monceau, Paris 8.
Monument en hommage à Maupassant, au Parc Monceau.

Embellir la ville

La capitale a fait l’objet de travaux colossaux au cours du 19ème siècle, et particulièrement sous Napoléon III (1852-1870). Les ruelles tortueuses et étroites firent place aux grands axes rectilignes créant des perspectives, aux places, aux carrefours, qui fournissent une multitude d’emplacements aux statues. Les espaces verts créés par l’Empereur, squares et parcs, en accueillirent également en grand nombre. La richesse croissante des pouvoirs publiques, dans les décennies suivantes,  permit de financer de nombreux projets. Les simples citoyens étaient également mis à contribution généralement par des souscriptions volontaires, heureux de rendre un dernier hommage à leur héros et d’être convié à l’inauguration du monument.

Monument en bronze en hommage à Delacroix, Musée du Luxembourg, Paris 6.
Monument à Delacroix entouré du génie du Temps, des Arts et de la Gloire, Jardin du Luxembourg.

La peur de l’oubli

Au-delà de leur rôle décoratif, les monuments nés de cette statuomanie témoignent d’un état d’esprit nouveau : la volonté de conserver la mémoire  du passé national, par l’évocation de ses acteurs, au moyen de statues disposées dans les espaces publiques, à Paris mais aussi dans la plupart des villes de France. Cet intérêt accru pour l’Histoire, qui a démarré sous Monarchie de Juillet (1830-1848) et s’est poursuivi et amplifié sous la Troisième République (1870-1940) s’explique dans un contexte de bouleversements : la Révolution a détruit de nombreux témoignages, en particulier le patrimoine religieux et monarchique, et  la Révolution Industrielle naissante crée une rupture brutale  et fait naître la peur de l’oubli et le besoin d’un enracinement.

Monument en pierre avec au. centre un médaillon en bronze d'un portrait de profil de Stendhal, jardin du Luxembourg, Paris 6.
Portrait en médaillon de Stendhal, oeuvre de jeunesse de Rodin, jardin du Luxembourg.

La pédagogie par la statue

La Statuomanie a également un rôle éducatif qui fraie parfois avec la propagande. Le peuple se cherche de nouveaux guides, après la Révolution Française. L’Ancien Régime célébrait les monarques et les religieux ; l’esprit nouveau se devait de puiser dans le vivier des hommes « ordinaires », plus à mêmes de servir d’exemple au peuple car plus proche du lui. Face à un besoin croissant ces nouveaux héros étaient « recrutés » dans des catégories de plus en plus nombreuses : politiciens, patrons, artistes, inventeurs, tous avaient joué un rôle dans le passé national, généralement proche. Les périodes plus anciennes pouvaient également être un réservoir de personnalités qui s’étaient distinguées en bravant le pouvoir et malgré leurs origines humbles, telle Jeanne d’Arc, ou moins célèbre Bernard Palissy jeté au cachot sous Henri II pour avoir refusé d’abjurer sa religion protestante.

Sculpture en bronze de Bernard Palissy, debout, dans le square de l'Eglise Saint Germain des Près.
Statue de Bernard Palissy, square de Saint Germain-des-Près.